Utopies

 Changer notre société.




Considérations sur le principe du changement :

Changer implique abandonner certaines choses considérées jusqu'alors comme avantageuses pour les remplacer par d'autres jugées plus favorables.

Nous recensons deux cas de changement : l'évolution et la transformation.

L'évolution est acceptée de tous car elle ne demande aucun effort et ne génère aucune souffrance due au phénomène de perte (une chose est abandonnée volontairement et remplacée par une autre, meilleure).

Par contre, lorsqu'il s'agit de transformer, la condition nécessaire à l'apparition de ce qui est meilleur est la perte préalable de ce qui existait jusque là. Nous rencontrons alors une grande résistance au changement.

Remarquons que pour supporter un mode de vie qui n'est pas celui qui nous convient, nous compensons, c'est à dire que nous accordons une importance parfois exagérée à ce qui est plaisant et nous donnons des raisons d'accepter ce qui ne l'est pas (exemple : le patriotisme en temps de guerre).
Ainsi, de nombreuses adaptations peuvent être acceptées par l'individu avant d'en venir à vouloir le changement. Ces adaptations nous transforme et nous perdons la connaissance de ce que nous sommes en réalité et de ce que nous voulons.
Si l'on souhaite agir pour changer notre société, il sera nécessaire, au préalable, de percevoir ce qu'aurait pu être notre vie dans une société profondément humaine.

Notons également que notre société est en perpétuelle évolution. Cette évolution est provoquée par le progrès (sciences). Cette orientation nous semble normale voire nécessaire car elle nous apporte (ou plutôt semble nous apporter car pour en être sûr, nous devons examiner ce point en détails) d'avantage de bien être.

Quels sont les changements attendus dans notre société ?

S'agit-il de faire modifier certains comportements pour voir disparaître les maux engendrés dans notre environnement et notre vie sociale ou bien désirons nous aller plus loin ?

Sommes-nous d'avis que le fonctionnement de notre société, ses orientations sont globalement ceux qui conviennent et qu'il faut juste réaliser des corrections pour supprimer les problèmes que nous rencontrons ?
C'est de cette manière que fonctionne la politique (évolution).
Les problèmes ne sont pas envisagés à la source et des solutions ne sont envisagées que lorsque ceux-ci arrivent. Mais il est trop tard.

Au contraire, pensons-nous (sentons-nous) que le sujet est plus radical, qu'il est nécessaire de reconsidérer notre conception de la société (la transformer)?

Pour envisager une autre société, il nous faut au préalable dresser la liste des éléments qui la pervertissent.

Chacun y reconnaîtra le pouvoir et l'argent. J'y ajoute le progrès.

L'argent et le pouvoir sont liés, l'un amenant souvent l'autre et vice versa. Ces deux entités sont des éléments matérialistes associés à des besoins ou envies physiques et intellectuels. Ils sont sensés garantir notre bien-être. C'est ce qui motive leur recherche. De plus, l'homme étant mortel, il a besoin de laisser une trace.

La spiritualité, quant à elle, est reléguée à l'arrière plan car, d'une part, elle ne présente pas de caractère scientifique et, d'autre part, n'offre pas de moyen de se réaliser (à moins de suivre les traces de mère Thérésa ou de l'abbé Pierre), parce qu'elle est monopolisée par un autre pouvoir, celui des religions.

Le progrès donne l'illusion d'avancer, donc de fournir aux individus un objectif, dont on ne voit pas l'aboutissement, et qui, de ce fait, apparaît comme indiscutable (incontestable).
Si l'on connaissait le but final vers lequel nous entraîne le progrès, nous pourions le rejeter si celui-ci est néfaste pour l'humanité.
Seul, il semble suffire à justifier l'usage qui est fait de l'argent.
Le progrès (et la science) se développe grâce à l'intelligence. Mais cette intelligence est-elle la plus importante qualité humaine ?

Si l'on considère qu'il faut contrôler le progrès, alors d'où nous vient l'impression de ce qui est bon pour nous ?
Celle-ci s'appuie sur des considérations morales issues de notre perception intérieure.
Aussi, notre grand challenge commence-t-il par le développement de cette perception.
Nous verrons que l'élaboration d'une morale libre (dictée uniquement par cette perception) nous demandera aussi une remise en cause de notre personnalité.

Dans ce contexte, quels sont les principaux objectifs qui se présentent à nous pour envisager de changer notre société ?
D'abord, il convient de nous placer dans un état de liberté. Sans le sentiment intime d'être libre, il nous sera impossible de croire aux solutions que nous percevons.
Cette liberté intérieure apparaît lorsque nous ne sommes plus sous influence.

Pour ce faire, nous avons à nous départir des éléments suivants :
la compétition,
la manipulation,
la hiérarchie et l'autorité,
l'admiration, la fascination,
le luxe, les désirs inutiles,
le stress, l'urgence, la perte de temps.

Sachons que ces objectifs ne s'atteignent pas facilement.
Souvent, le désir de les réaliser rapidement conduit à s’astreindre à agir en conséquence. Or cette manière de procéder fait intervenir la volonté et la raison. Or les changements ne sont pas naturels, ne s'étendent pas à l'ensemble de la personnalité et ne sont pas durables. Vivre avec un certain état d'esprit n'est pas adopter une position que l'on estime bonne. Le premier cas se réalise après un travail sur soi, le second provient d'une décision.

Aussi, j'affiche un grand pessimisme en observant autour de moi le nombre de personnes pour qui ce travail me parraît impensable, soit parce qu'elles sont tellement dépendantes de la société de consommation qu'elles n'ont plus les ressources pour s'en extraire, soit qu'elles n'ont pas développé suffisamment leur esprit critique pour être consciente de l'évolution de notre monde.


Dans notre environnement social, la compétition apparaît comme un stimulant de l'activité ; elle est décrite comme motivant les individus. Mais à y regarder de près, cette motivation s'appuie sur de la rivalité. Et, même si l'individu s'en défend, son but inconscient est l'élimination des autres compétiteurs. La compétition renforce les différences, amplifie l'exclusion, crée des classes ; elle est à l'opposé de l'action humanitaire. Lorsqu'elle envahie le psychisme, celui-ci en devient entièrement dépendant et l'individu vit constamment dans la lutte, l'affrontement. Cet état d'esprit est propice à des actes irrespectueux car l'unique but est le réussite au mépris des autres.
L'encouragement à être « battant » s'est fortement développé. Les rencontres sportives sont de plus en plus nombreuses et suivies, y compris par les femmes qui, jadis, ne s'y intéressaient pas. Ces dernières veulent, souvent par féminisme – même si elles prétendent le contraire – ne pas être en reste par rapport aux hommes. On pourra prétendre que la paix relative entre les nations ne laisse que ce moyen aux hommes pour exprimer leur agressivité et que celle-ci fait partie de sa nature. Certes, mais l'agressivité n'est pas nécessairement de nature guerrière. Bien vécue, elle est source de création et n'est pas nuisible aux autres.

La compétition est à l'origine du chômage.

A titre d'exemple, je vais tenter de mettre en évidence le contenu inconscient du spectateur d'un match. Une rencontre sportive entre deux équipes est l'occasion d'une prise de position où le choix est binaire : on prend partie pour l'une ou l'autre des équipes. Alors que dans la vie, les choix nécessitent généralement de tenir compte d'une multitude d'informations, ici, le choix est simple. L'individu est ramené à un niveau de réflexion basique. La compétition n'a pas pour objectif de faire réfléchir.
Notons également le pouvoir social de ce genre d'activité : les individus se sentent en communion. Ils ont l'impression, même si c'est illusoire, de se sentir en accord avec les autres, y compris -inconsciemment- ceux de l'autre camps car ils assistent au même match.
Dans ces circonstances, ils croient faire le plein de lien social, et, les états l'ont bien compris, leur engagement dans des actions politiques réactives se font moins sentir.
Et, lorsque nous analysons ce sentiment de lien social, nous sommes atterrés par sa médiocrité. Nous n'y trouvons qu'abrutissement des foules car l'objet est puéril et les attentes sans intérêt.
Le match est un jeu et donc distrait des réalités de la vie. Aujourd'hui, avec la notion de fête qui s'y est adjointe, le mode d'expression du supporter et de l'amateur a évolué et, encouragé par les médias et les instances financières, il a acquis une valeur symbolique qui semble interdire toute critique. Car critiquer, c'est être opposé à ce qui fait le lien social. Mais cette perception est fausse car crée de toutes pièces pour des raisons politiques et financières. De plus, comme dans toutes les manifestation publiques, la violence s'est invitée. La passion y est pour quelque chose. La surenchère s'installe comme elle a pris l'habitude de le faire dans notre société, et plus particulièrement chez les jeunes – alcool, prise de risque – parce que défi représente une manière de lutter, pour certains, contre le sentiment de médiocrité, plus ou moins conscient, qui s'est infiltré à cause de l'augmentation des sources de communication et d'information.


La manipulation est souvent perçue comme une occasion de mesurer son intelligence. La détecter et donc la déjouer est gage de valeur et l'on considère généralement qu'elle permet de sortir de l'état de naïveté. Croire cela revient à admettre celui qui en use le fait pour le bien d'autrui alors qu'en réalité, il n'y recherche que son profit. Cette croyance vient d'une certaine catégorie d'individus, sans doute moins scrupuleux que les autres qui estime que l'homme n'a pas vocation à être vertueux. Dans ce cas, l'esprit de domination ferait, selon eux, partie de sa nature. Mais, comme l'a si bien démontré Jean-jacques ROUSSEAU, l'homme naturel (le primitif), ne connaît pas le vice et c'est seulement sa vie sociale inégalitaire qui l'entraîne à modifier son comportement.
Avec la manipulation, la confiance est remplacée par la méfiance. Toute parole, tout écrit doivent être vérifiés. Tout ce qui recherche notre approbation et tout ce qui tente de nous séduire est source de manipulation. Certains actes manipulatoires sont connus. La publicité et la politique en sont deux exemples. Mais la vanité et l'orgueil nous empêchent de considérer que nous en sommes les jouets. L'emprise du monde économique sur les partis politiques ne laisse aucun doute sur l'évolution de notre société. Malgré cela, nombreux sont ceux qui espèrent encore et se laissent séduire par les discours prometteurs.
Se détacher de la manipulation passe d'abord par reconnaître que nous sommes influençables. Bien qu'il puisse être utile de s'extraire des sources de manipulation incontestables telles que la publicité, il ne s'agit là que d'un acte de volonté et non d'une transformation de notre perception. Savoir observer la manipulation agir sur nous sans nous en défendre est le seul moyen efficace de l'évacuer. Autrement, c'est la lutte perpétuelle par la raison, ce qui nous maintient encore sous son emprise. Lorsque le désir de s'améliorer devient assez fort pour que l'observation nous fasse ressentir la nécessiter de changer parce que nous nous sentons trompés, alors, avec le rejet, s'installe la connaissance du mensonge.


L'autorité et la hiérarchie sont au service de l'esclavage. Le mot n'est pas trop fort : aujourd'hui, l'esclavage est devenu moral. Il façonne la personnalité en y injectant une multitude de sentiments d'infériorité auxquels s'ajoutent les menaces. L'autorité méprise l'individu car elle n'attache d'importance qu'à ce qui motive l'intérêt de ses protagonistes. L'autorité est un raccourci pour obtenir ce qui est désiré. Elle est violence. Les règlements sont ses arguments pour imposer. L'autorité stipule que l'individu a une nature anarchiste ce qu'elle craint car les projets qu'elle soutient peuvent donc s'effondrer à la moindre contrariété. L'inspiration, elle aussi de nature anarchiste compromet les projets organisés.
La société s'est ordonnée afin de contenir les individus dans un carcan en les habituant à obéir et à se discipliner. Ainsi bridé, la spontanéité est réduite à ce qui est autorisé. Contrôle et censure sont ses armes. La liberté est combattue car perçue comme source d'abus.
Il n'est pas facile d'y échapper. Depuis la plus tendre enfance, l'éducation parentale et scolaire contribuent à préparer l'individu à accepter le principe de l'autorité et de la hiérarchie. Le monde du travail est organisé en ce sens.
La majorité des individus l'accepte par crainte de ne pas pouvoir survivre dans un monde libre où il faut se débrouiller seul et également pour se sentir socialement intégrés.
Concevoir une existence sans subir l'autorité est possible, mais, comme nous sommes sous son emprise depuis notre enfance, cela devient un combat de chaque jour afin d'en éliminer les effets de notre conscience.
L'autorité, en nous, se présente sous la forme des obligations que nous ressentons sans que quiconque nous les ordonne. C'est la forme la moins objective et donc la plus compliquée à combattre. Elle nous vient de notre éducation.
Sa résolution est de l'ordre de l'introspection.

L'admiration dont l’exagération conduit à la fascination est source de dépendance.
Elle place l'individu dans un rapport hiérarchique dont il est rarement conscient. Cette attitude diminue les potentialités car elle considère que la place est prise. Le charisme est une attitude qui favorise l'admiration et participe de l'acceptation des idées proposées.
Dans les relations amoureuse, la fascination est synonyme de tromperie : les qualités de l'individu sont associées à l’apparence.
L'admiration place le personne sur un piédestal. On ne considère que la valeur de ce qui le fait « admirable » souvent parce que les média en tire profit.
La caractéristique de la personne admirable est que celui qui conteste sa valeur doit souvent se taire pour ne pas être mis à l'index à moins qu'il ne se regroupe avec d'autres.

Le luxe est synonyme de réussite sociale. C'est sa seule raison d'exister. L'esthétique et les performance sont souvent mis en avant pour le justifier, mais nous sommes dans le domaine de l'exagération. Le luxe est une référence sociale pour ceux qui ont besoin reconnaissance.
Son inutilité est fragrante mais masquée par ceux qui estiment qu'il est pourvoyeur d'emploi.
En terme d'inutilité ceux qui en font usage s'en remettent à l'art ou la musique dont on pourrait aussi se passer. Pourtant, la musique et l'art sont des expressions humaines synonyme de culture, ce qui n'est pas le cas du luxe.


Prendre le temps est ressentie comme une perte de temps. Notre société n'accepte pas que les choses se fasse tranquillement, à leur rythme. Les individus sont conditionner à s'habituer aux changements. L'informatique (au sens large - applications, ordinateurs, automatisme, robotique, … -) est à l'origine de cet empressement. De nouveaux outils apparaissent tous les jours et ont pour enjeux la compétence. Professionnellement, c'est une des sources de compétition. Individuellement, et notamment pour les jeunes, ne pas suivre ses progrès, c'est, pour les plus faibles, prendre le risque de se sentir exclus.
Pourtant, cette accélération du temps imposée par l'informatique, génère du stress et le sentiment de paresse - car il y a tant de choses à faire – dès que l'on veut ralentir le rythme.
Il s'en suit des moments où l'on essaye d'évacuer ce stress, souvent de manière explosive (les jeunes, par exemple, boivent exagérément).
Or, lorsque l'on se place dans contexte de sérénité, en imaginant que le temps nous est donné, qu'au contraire, il nous permet de faire chaque chose tranquillement, que rien ne nous est demandé et que ce que l'on fait vient exclusivement de nos facultés, nous pouvons prendre conscience que dans l'attitude inverse, nous perdons notre temps car nous l'utilisons à des choses qui ne nous correspondent pas.
C'est ce que nous retrouvons lorsque nous écoutons de la musique par exemple, ou si nous lisons. Mais ces moments sont seulement de la détente alors qu'il convient de ressentir ce bien-être en permanence.





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